Lot 58

CHINE, Epoque Ming

Rare chandelier en porcelaine « bleu et blanc » d’époque Xuande

Chandelier en porcelaine « bleu et blanc », Jingdezhen, marque et règne de Xuande (1425-1435)

Hauteur : 29 cm
Diamètre : 23 cm

Importants manques et restaurations.

Véritable symbole des interactions entre le monde chinois et le monde islamique, ce chandelier est un rare exemple d’objet en porcelaine « bleu et blanc » de cette forme. Il s’inscrit dans un groupe de porcelaines produites dans les fours impériaux de Jingdezhen sous les règnes de Yongle (1402-1424) et de Xuande (1425-1435), calquées sur des modèles issus des mondes iranien et mamelouk. Bien que présentant une forme islamique, les rares exemples chinois montrent un décor qui puise ses sources dans le répertoire chinois, avec des compositions de fleurs et rinceaux peintes au bleu de cobalt profond et brillant, caractéristique des deux premiers règnes du XVe siècle. Le décor, structuré en registres horizontaux, présente sur la partie supérieure du col des têtes de ruyi stylisées ainsi que des panneaux de lotus contenant le même motif. Sur la partie inférieure, deux rinceaux floraux partagent l’espace. Le corps principal de l’objet présente une répartition en huit panneaux verticaux suivant les facettes de la surface, encadrés en haut et en bas par des fines bandes de zig-zag. Sur la première se trouve le cartouche avec la marque de règne, écrite de droite à gauche : Da Ming Xuande nianzhi 大明宣德年制. Chacun des panneaux porte un décor floral ourlé par des rinceaux, très proche du décor présent sur les autres porcelaines impériales « bleu et blanc » de cette période. Chaque composition de pivoines, lotus, chrysanthèmes, camélias apparait deux fois sur des facettes opposées. Autour du bâton central, deux bandes concentriques encadrent un décor de lotus et de chrysanthèmes ainsi qu’un décor de vagues sur fond de volutes.
Si les exemples en porcelaine chinoise datent de la première moitié du XVe siècle, souvent considérée comme un des âges d’or de la porcelaine des Ming, les modèles islamiques auxquels ils s’inspirent datent généralement du XIIIe et du XIVe siècle. Ils s’agit d’objets en métal qui peuvent présenter des parois lisses ou à facettes : en porcelaine, ce fut uniquement la version à facettes à être imitée au début du XVe siècle. Parmi les nombreux prototypes islamiques auxquels les potiers chinois ont pu s’inspirer, les plus proches sont un exemple du Victoria & Albert Museum (daté du milieu du XIIIe siècle et provenant d’Iran occidental)1 , une pièce de la David Collection à Copenhague (inv. 27/1972) et un chandelier du Metropolitan Museum of Art à New York. Ce dernier (Fig. 1) présente la même forme, bien que les facettes soient neuf au lieu de huit et se développent les unes dans les autres. Beaucoup plus rares sont les reproductions en jade, comme le chandelier de petites dimensions (H.: 9,4 cm) de l’Art Institute de Chicago (Fig. 2), attribué à une production iranienne du XVe siècle, qui présente des parois lisses2. À la même période le monde iranien produit aussi des chandeliers en céramique « bleu et blanc », s’inspirant à leur tour du décor des porcelaines chinoises. Deux exemples de ce type sont connus : un chandelier découvert au Kazakhstan portant un décor de dragon stylisé3 et le fragment d’un chandelier de Samarcande4 exposé aujourd’hui au musée Amir Timur à Tashkent (Fig. 3). Ce dernier porte un décor de vagues et de rinceaux de lotus autour du bâton central, rappelant fortement les motifs du chandelier d’époque Xuande ci-présenté.
Les chandeliers figurent souvent dans les peintures de manuscrits persans où ils sont peints en or ou jaune, suggérant que le matériau que le peintre voulait représenter était le métal. En revanche, sa version chinoise ne semble figurer sur aucune peinture islamique. Cette absence coïncide avec le manque de découvertes archéologiques de chandeliers en porcelaine des règnes de Yongle et Xuande dans le monde islamique, une absence qui se reflète aussi dans la collection des shahs d’Iran au sanctuaire d’Ardebil et celle des sultans ottomans au palais de Topkapı d’Istanbul. Bien que dans ces deux célèbres collections figurent des porcelaines du XVe siècle imitant des formes islamiques en métal, comme les gourdes plates et les aiguières à parois droites, le chandelier n’en fait pas partie. Les chandeliers en porcelaine de cette période se trouvent, sauf une pièce de la collection William Fehr de la ville du Cap en Afrique du Sud 5 et celle présentée dans cette vente, dans les collections chinoises. La marque de Xuande, rare sur ces pièces, figure sur un chandelier découvert en fragments en 1982 à Zhushan, principal site des fours impériaux à Jingdezhen (Fig. 4) 6. Le décor de ce dernier est très proche de l’exemple présenté lors de cette vente. D’autres exemples similaires, non marqués et attribués aux règnes de Yongle et de Xuande, sont conservés au musée du Palais de Pékin (Fig. 5)7 , au musée de Shanghai et au musée du Guangdong8. Un exemple à couverte monochrome blanche (Fig. 6)9 qui avait été découvert en fragments sur le site de Zhushan, se trouve à l’Institut archéologique de Jingdezhen.
Si dans le monde islamique cet objet était destiné à tenir des bougies, en Chine, où il existaient d’autres supports d’éclairage10 , sa fonction originale pouvait être transformée : par exemple, un des chandeliers du musée de Shanghai porte une insertion en métal pour abriter des bâtons d’encens . Il semble, par conséquent, que les chandeliers chinois imitant cette forme islamique n’étaient pas pour autant des objets produits pour le Moyen-Orient, mais étaient probablement destinés à l’élite chinoise, peut-être pour adorner les salles du palais impérial à Pékin. Il s’agit donc d’objets exceptionnels, témoins des échanges sino-iraniens d’un des âges d’or de la porcelaine chinoise.

Texte par Valentina Bruccoleri


Notes:

1 Assadullah Souren Melikian-Chirvani, Islamic Metalwork from the Iranian World, 8-18th centuries, Londres, HMSO, 1982, p. 167, 177.

2 Yuka Kadoi, « The Road from China to Iran: a Jade Candlestick in the Art Institute of Chicago », Iran, 2009, vol. 47, p. 123-131.

3 Lisa Golombek, Robert B. Mason et Gauvin A. Bailey Tamerlane’s Tableware: A New Approach to the Chinoiserie Ceramic of Fifteenth- and Sixteenth-Century Iran, Costa Mesa (California), Mazda Publishers, 1996, pl. 61.

4 Ibid., p. 185.

5 Échange de lettres entre Feng Xianming et E.J. Paap, publié dans Orientations, 1988, p. 421.

6 Imperial Porcelain from the Reign of Xuande in the Ming Dynasty, catalogue d’exposition, Pékin, Palace Museum, 2015, p. 97.

7 Imperial Porcelain from the Reigns of Hongwu and Yongle in the Ming Dynasty, catalogue d’exposition, Pékin, Palace Museum, 2015, p. 236-239.

8 Voir note 5.

9 Ibid., p. 240-241.

10 Kadoi, 2009, p. 127.

11 Ming: 50 Years that Changed China, catalogue d’exposition, Londres, British Museum, 2014, p. 94.

Paralleles et comparaisons:

Fig. 1
Chandelier en laiton, Iran, 1300-1350, 23,7 x 21,2 cm, Metropolitan Museum of Art, New York (91.1.580)

Fig. 2
Chandelier en jade, Iran, XVe siècle, 9,4 x 7 cm, Art Institute of Chicago (1950.973)

Fig. 3
Fragment de chandelier en céramique « bleu et blanc », Iran, XVe siècle, Musée Amir Timur, Tashkent

Fig. 4
Chandelier en porcelaine à décor bleu sous couverte, Jingdezhen, marque et règne de Xuande (1425-1435), 27 x 20,7 cm, Institut archéologique de Jingdezhen

Fig. 5
Chandelier en porcelaine à décor bleu sous couverte, Jingdezhen, règne de Yongle (1402-1424), Musée du palais, Pékin


Fig. 6
Chandelier en porcelaine à couverte monochrome blanche, Jingdezhen, règne de Yongle (1402-1424), 29 x 22,2 cm, Institut archéologique de Jingdezhen

Une caution sera demandée pour enchérir en salle et sur internet sur ce lot.
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請注意! 如參與競拍此拍品,將需提前繳交一筆保證金。

Estimate : 20 000 € - 30 000 €

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CHINE, Epoque Ming

Rare chandelier en porcelaine « bleu et blanc » d’époque Xuande

Chandelier en porcelaine « bleu et blanc », Jingdezhen, marque et règne de Xuande (1425-1435)

Hauteur : 29 cm
Diamètre : 23 cm

Importants manques et restaurations.

Véritable symbole des interactions entre le monde chinois et le monde islamique, ce chandelier est un rare exemple d’objet en porcelaine « bleu et blanc » de cette forme. Il s’inscrit dans un groupe de porcelaines produites dans les fours impériaux de Jingdezhen sous les règnes de Yongle (1402-1424) et de Xuande (1425-1435), calquées sur des modèles issus des mondes iranien et mamelouk. Bien que présentant une forme islamique, les rares exemples chinois montrent un décor qui puise ses sources dans le répertoire chinois, avec des compositions de fleurs et rinceaux peintes au bleu de cobalt profond et brillant, caractéristique des deux premiers règnes du XVe siècle. Le décor, structuré en registres horizontaux, présente sur la partie supérieure du col des têtes de ruyi stylisées ainsi que des panneaux de lotus contenant le même motif. Sur la partie inférieure, deux rinceaux floraux partagent l’espace. Le corps principal de l’objet présente une répartition en huit panneaux verticaux suivant les facettes de la surface, encadrés en haut et en bas par des fines bandes de zig-zag. Sur la première se trouve le cartouche avec la marque de règne, écrite de droite à gauche : Da Ming Xuande nianzhi 大明宣德年制. Chacun des panneaux porte un décor floral ourlé par des rinceaux, très proche du décor présent sur les autres porcelaines impériales « bleu et blanc » de cette période. Chaque composition de pivoines, lotus, chrysanthèmes, camélias apparait deux fois sur des facettes opposées. Autour du bâton central, deux bandes concentriques encadrent un décor de lotus et de chrysanthèmes ainsi qu’un décor de vagues sur fond de volutes.
Si les exemples en porcelaine chinoise datent de la première moitié du XVe siècle, souvent considérée comme un des âges d’or de la porcelaine des Ming, les modèles islamiques auxquels ils s’inspirent datent généralement du XIIIe et du XIVe siècle. Ils s’agit d’objets en métal qui peuvent présenter des parois lisses ou à facettes : en porcelaine, ce fut uniquement la version à facettes à être imitée au début du XVe siècle. Parmi les nombreux prototypes islamiques auxquels les potiers chinois ont pu s’inspirer, les plus proches sont un exemple du Victoria & Albert Museum (daté du milieu du XIIIe siècle et provenant d’Iran occidental)1 , une pièce de la David Collection à Copenhague (inv. 27/1972) et un chandelier du Metropolitan Museum of Art à New York. Ce dernier (Fig. 1) présente la même forme, bien que les facettes soient neuf au lieu de huit et se développent les unes dans les autres. Beaucoup plus rares sont les reproductions en jade, comme le chandelier de petites dimensions (H.: 9,4 cm) de l’Art Institute de Chicago (Fig. 2), attribué à une production iranienne du XVe siècle, qui présente des parois lisses2. À la même période le monde iranien produit aussi des chandeliers en céramique « bleu et blanc », s’inspirant à leur tour du décor des porcelaines chinoises. Deux exemples de ce type sont connus : un chandelier découvert au Kazakhstan portant un décor de dragon stylisé3 et le fragment d’un chandelier de Samarcande4 exposé aujourd’hui au musée Amir Timur à Tashkent (Fig. 3). Ce dernier porte un décor de vagues et de rinceaux de lotus autour du bâton central, rappelant fortement les motifs du chandelier d’époque Xuande ci-présenté.
Les chandeliers figurent souvent dans les peintures de manuscrits persans où ils sont peints en or ou jaune, suggérant que le matériau que le peintre voulait représenter était le métal. En revanche, sa version chinoise ne semble figurer sur aucune peinture islamique. Cette absence coïncide avec le manque de découvertes archéologiques de chandeliers en porcelaine des règnes de Yongle et Xuande dans le monde islamique, une absence qui se reflète aussi dans la collection des shahs d’Iran au sanctuaire d’Ardebil et celle des sultans ottomans au palais de Topkapı d’Istanbul. Bien que dans ces deux célèbres collections figurent des porcelaines du XVe siècle imitant des formes islamiques en métal, comme les gourdes plates et les aiguières à parois droites, le chandelier n’en fait pas partie. Les chandeliers en porcelaine de cette période se trouvent, sauf une pièce de la collection William Fehr de la ville du Cap en Afrique du Sud 5 et celle présentée dans cette vente, dans les collections chinoises. La marque de Xuande, rare sur ces pièces, figure sur un chandelier découvert en fragments en 1982 à Zhushan, principal site des fours impériaux à Jingdezhen (Fig. 4) 6. Le décor de ce dernier est très proche de l’exemple présenté lors de cette vente. D’autres exemples similaires, non marqués et attribués aux règnes de Yongle et de Xuande, sont conservés au musée du Palais de Pékin (Fig. 5)7 , au musée de Shanghai et au musée du Guangdong8. Un exemple à couverte monochrome blanche (Fig. 6)9 qui avait été découvert en fragments sur le site de Zhushan, se trouve à l’Institut archéologique de Jingdezhen.
Si dans le monde islamique cet objet était destiné à tenir des bougies, en Chine, où il existaient d’autres supports d’éclairage10 , sa fonction originale pouvait être transformée : par exemple, un des chandeliers du musée de Shanghai porte une insertion en métal pour abriter des bâtons d’encens . Il semble, par conséquent, que les chandeliers chinois imitant cette forme islamique n’étaient pas pour autant des objets produits pour le Moyen-Orient, mais étaient probablement destinés à l’élite chinoise, peut-être pour adorner les salles du palais impérial à Pékin. Il s’agit donc d’objets exceptionnels, témoins des échanges sino-iraniens d’un des âges d’or de la porcelaine chinoise.

Texte par Valentina Bruccoleri


Notes:

1 Assadullah Souren Melikian-Chirvani, Islamic Metalwork from the Iranian World, 8-18th centuries, Londres, HMSO, 1982, p. 167, 177.

2 Yuka Kadoi, « The Road from China to Iran: a Jade Candlestick in the Art Institute of Chicago », Iran, 2009, vol. 47, p. 123-131.

3 Lisa Golombek, Robert B. Mason et Gauvin A. Bailey Tamerlane’s Tableware: A New Approach to the Chinoiserie Ceramic of Fifteenth- and Sixteenth-Century Iran, Costa Mesa (California), Mazda Publishers, 1996, pl. 61.

4 Ibid., p. 185.

5 Échange de lettres entre Feng Xianming et E.J. Paap, publié dans Orientations, 1988, p. 421.

6 Imperial Porcelain from the Reign of Xuande in the Ming Dynasty, catalogue d’exposition, Pékin, Palace Museum, 2015, p. 97.

7 Imperial Porcelain from the Reigns of Hongwu and Yongle in the Ming Dynasty, catalogue d’exposition, Pékin, Palace Museum, 2015, p. 236-239.

8 Voir note 5.

9 Ibid., p. 240-241.

10 Kadoi, 2009, p. 127.

11 Ming: 50 Years that Changed China, catalogue d’exposition, Londres, British Museum, 2014, p. 94.

Paralleles et comparaisons:

Fig. 1
Chandelier en laiton, Iran, 1300-1350, 23,7 x 21,2 cm, Metropolitan Museum of Art, New York (91.1.580)

Fig. 2
Chandelier en jade, Iran, XVe siècle, 9,4 x 7 cm, Art Institute of Chicago (1950.973)

Fig. 3
Fragment de chandelier en céramique « bleu et blanc », Iran, XVe siècle, Musée Amir Timur, Tashkent

Fig. 4
Chandelier en porcelaine à décor bleu sous couverte, Jingdezhen, marque et règne de Xuande (1425-1435), 27 x 20,7 cm, Institut archéologique de Jingdezhen

Fig. 5
Chandelier en porcelaine à décor bleu sous couverte, Jingdezhen, règne de Yongle (1402-1424), Musée du palais, Pékin


Fig. 6
Chandelier en porcelaine à couverte monochrome blanche, Jingdezhen, règne de Yongle (1402-1424), 29 x 22,2 cm, Institut archéologique de Jingdezhen

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Estimate : 20 000 € - 30 000 €


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